Le saint hystérique, par Michel Onfray

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-Michel Onfray, toujours prompt à critiquer {{G|la religion}}, propose, dans un de ses cours une lecture mi-psychiatrique mi-psychanalytique de la vie de Saint-Paul, avec pour but avoué de nous faire voir le saint comme un ''hystérique'' au sens nosographique du terme. Nous allons, dans cette étude de cas, analyser cette proposition et exhiber comment Michel Onfray détourne la psychanalyse et en devient, d'une certaine façon, la victime.+#REDIRECT [[A propos de Michel Onfray]]
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-== La démarche de Jung ==+
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-L'élément fondateur des doutes qui ont pu motiver cette analyse de cas est relatif à l'utilisation de l'outil psychiatrique ou psychanalytique dans un contexte historique très lointain : celui de Saint-Paul.+
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-Carl Gustav Jung a analysé la psychologie des premiers théoriciens de la pensée chrétienne, dans son ouvrage ''Les types psychologiques''. Son but était alors de mettre en perspective des ''types'' de psychologie suivant les époques, dans une sorte d' archéologie de l'inconscient collectif. Dans cette démarche, il explique que le contexte psychologique des gens de l'époque s'établissait sur d'autres référentiels que ceux sur lesquels la psychanalyse s'applique aujourd'hui. Jamais il ne lui vint l'idée de ''psychanalyser'' les fondateurs de la chrétienté au travers des époques, simplement parce que :+
-* la différence de psyché collective d'une époque à l'autre est fondamentale,+
-* l'approche historique ne permet pas d'avoir assez d'éléments sur la personne, surtout quand cette dernière a vécu il y a vingt siècles.+
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-Ce qui sous-tend la trame du discours de Jung, c'est que notre inconscient collectif actuel naît principalement avec les fondateurs de la chrétienté, mais que l'inconscient collectif de leur époque n'a rien à voir avec le nôtre, car nous ne sommes pas dans le même ''référentiel''. Ainsi, analyser ces personnages historiques avec les traits de la psychanalyse ou de la psychiatrie actuelle, c'est projeter notre normalité sur un passé dans lequel une autre normalité était de mise, en l'occurrence celle de la décomposition de l'empire romain et du foisonnement des sectes chrétiennes et anti-chrétiennes.+
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-== Un problème de méthode ==+
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-Nous ne pouvons donc pas taxer d'« hystérique » un personnage historique sous prétexte qu'il remplirait les conditions nosographiques de la description de l'hystérie au XXIème siècle. Qui sait si, à ce moment de l'histoire, la norme n'était pas constituée par ce qui nous apparaît aujourd'hui comme un {{G|}}caractère hystérique au regard de la vision actuelle ? La définition psychiatrique et psychanalytique n'est pas une arme absolue, mais un {outil relatif}. La société de l'époque était différente, tout comme la conscience individuelle ou la considération du prix de la vie humaine. Il ne faut pas tout confondre ou tout ramener à notre image[[Ce débat est proche de celui exposé dans l'article sur [l'épistémologie de la philosophie->152] sur le fait d'appliquer des concepts du passé sur une façon de philosopher moderne. En quelque sorte, la psychanalyse sert ici de caution pour lire le passé avec le regard de l'homme d'aujourd'hui, ce qui est la contraposée de ce genre de confusion.]].+
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-{{En pleine projection}}+
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-Nous assistons donc à un {flagrant délit de projection} du penseur moderne sur son passé, à un {jugement} du penseur moderne sur son passé au regard des outils et des normes du présent. Cette ré-interprétation de l'histoire est, il faut le signaler extrêmement dangereuse, car elle est fausse {formellement}.+
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-On pourra rapprocher cette tendance systématique qu'ont beaucoup de penseurs modernes dans le domaines des sciences humaines à se réapproprier le passé de manière commode en oubliant les distingos de contexte historique, avec des expériences politiques, non totalement assimilées, comme les mouvements totalitaires qui opérèrent une véritable relecture de l'histoire selon leur canevas baisé[[A lire {Le matin des magiciens} de Pauwels et Bergier pour le nazisme et {Le passé d'une illusion} de Furet sur le communisme.]].+
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-Il est quelque peu inquiétant que des penseurs en vogue aujourd'hui en arrivent à utiliser ces mécanismes, probablement à leur insu[[Cf. [l'alter-philosophie de Michel Onfray->467].]]. Peut-être est-ce une tendance au mépris du formel et de la rigueur, une méconnaissance de la psychanalyse, à moins que ce ne soit simplement un problème d'{ego} qui les pousse dans cette direction très dangereuse.+
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-{{Vers la relativité en sciences humaines}}+
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-Je crois que la {relativité historique des concepts} est toujours un fait non admis dans le domaine des sciences humaines[[Voir mon [article->152] à ce sujet. A noter que Bloch avait pourtant donné le «la» sur le sujet et qu'il suffisait aux philosophes de généraliser son propos pour arriver à une vision épistémologique de la philosophie.]], ceci dans les deux sens : un concept du passé est appliqué dans la lecture du présent même s'il est totalement obsolète, et un concept d'aujourd'hui nous sert à lire l'histoire, même s'il présuppose un contexte socio-culturel qui n'existe pas dans la période analysée[[On peut dire que cette confusion formelle de tout premier ordre a littéralement {tué} la philosophie.]].+
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-L'inconscient collectif français est chargé de ces ré-appropriations du passé par des théories récentes visant à faire dire à l'histoire autre chose de ce qu'elle pourrait nous apprendre. Il faut que les penseurs modernes à la mode relisent Bloch de toute urgence pour éviter ce genre de contre-sens[[Il faut aussi d'une certaine façon parvenir à une certaine exception culturelle européenne dans la digestion de la psychanalyse, c'est-à-dire prendre de la lecture anglo-saxonne ce qui est bon, tout en évitant de prendre ce qui est mauvais.]]. Car, le contre-sens dans ce cas, provoque tabou et culpabilité.+
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-{{Onfray, digne héritier de ses pairs}}+
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-J'étais déjà très méfiant vis-à-vis de Michel Onfray mais je le suis un peu plus à chaque nouvel opus de sa part. Je vois ce philosophe comme s'inscrivant dans la pure tradition des philosophes français de la deuxième moitié du XXème siècle. A l'instar d'autres, il semble chercher à faire son trou en restant dans l'air du temps.+
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-En un sens, Onfray est le symbole de l'inconscient collectif français sur le plan de la philosophie, ce qui est loin d'être un compliment quant au travail philosophique, mais c'est ce qui le rend attachant sur le point de vue de l'homme. Son discours étant celui de quelqu'un d'intelligent et de cultivé, il est souvent nécessaire de réfléchir au message qu'il transmet au lieu de s'attacher au charisme qu'il dégage. Il ressort de ses réflexions, de manière flagrante, certains travers stylisés de la pensée philosophique française.+
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-Il faut lire Onfray car ses affirmations péremptoires et ses raccourcis formels inacceptables sont autant de pistes de doutes sur lesquelles travailler pour réveiller la philosophie française.+

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  1. REDIRECT A propos de Michel Onfray