Rubayat, par Omar Khayyâm, quatrains I à X, Rubayat, par Omar Khayyâm

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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-I<BR>+
-Tout le monde sait que je n'ai jamais murmuré la moindre prière.<BR>+
-Tout le monde sait aussi que je n'ai jamais essayé de dissimuler mes défauts.<BR>+
-J'ignore s'il existe une Justice et une Miséricorde...<BR>+
-Cependant, j'ai confiance, car j'ai toujours été sincère.+
- +
- +
-II<BR>+
-Que vaut-il mieux? S'asseoir dans une taverne, puis faire son examen de conscience,<BR>+
-Ou se prosterner dans une mosquée, l'âme close?<BR>+
-Je ne me préoccupe pas de savoir si nous avons un Maître<BR>+
-Et ce qu'il fera de moi, le cas échéant.+
- +
- +
-III<BR>+
-Considère avec indulgence les hommes qui s'enivrent.<BR>+
-Dis-toi que tu as d'autres défauts. Si tu veux connaître la paix,<BR>+
-La sérénité, penche-toi sur les déshérités de la vie,<BR>+
-Sur les humbles qui gémissent dans l'infortune, et tu te trouveras heureux.+
- +
- +
-IV<BR>+
-Fais en sorte que ton prochain n'ait pas à souffrir de ta sagesse.<BR>+
-Domine-toi toujours. Ne t'abandonne jamais à la colère.<BR>+
-Si tu veux t'acheminer vers la paix définitive,<BR>+
-Souris au Destin qui te frappe, et ne frappe personne.+
- +
- +
-V<BR>+
-Puisque tu ignores ce que te réserve demain,<BR>+
-Efforce-toi d'être heureux aujourd'hui.<BR>+
-Prends une urne de vin, va t'asseoir au clair de lune,<BR>+
-Et bois, en te disant que la lune te cherchera peut-être vainement, demain.+
- +
- +
-VI<BR>+
-Le Koran, ce Livre suprême, les hommes le lisent quelquefois,<BR>+
-Mais, qui s'en délecte chaque jour ?<BR>+
-Sur le bord de toutes les coupes pleines de vin est ciselée<BR>+
-Une secrète maxime de sagesse que nous sommes bien obligés de savourer.+
- +
- +
-VII<BR>+
-Notre trésor ? Le vin. Notre palais ? La taverne.<BR>+
-Nos compagnes fidèles ? La soif et l'ivresse.<BR>+
-Nous ignorons l'inquiétude, car nous savons que nos âmes, nos coeurs, nos coupes<BR>+
-Et nos robes maculées n'ont rien à craindre de la poussière, de l'eau et du feu.+
- +
- +
-VIII<BR>+
-En ce monde, contente-toi d'avoir peu d'amis.<BR>+
-Ne cherche pas à rendre durable la sympathie que tu peux éprouver pour quelqu'un.<BR>+
-Avant de prendre la main d'un homme,<BR>+
-Demande-toi si elle ne te frappera pas, un jour.+
- +
- +
-IX<BR>+
-Autrefois, ce vase était un pauvre amant<BR>+
-Qui gémissait de l'indifférence d'une femme.<BR>+
-L'anse, au col du vase... <BR>+
-Son bras qui entourait le cou de la bien aimée !+
- +
- +
-X<BR>+
-Qu'il est vil, ce cœur qui ne sait pas aimer,<BR>+
-Qui ne peut s'enivrer d'amour !<BR>+
-Si tu n'aimes pas, comment peux-tu apprécier<BR>+
-L'aveuglante lumière du soleil et la douce clarté de la lune ?+
- +
- +
-XI<BR>+
-Toute ma jeunesse refleurit aujourd'hui !<BR>+
-Du vin! Du vin! Que ses flammes m'embrasent !<BR>+
-... Du vin! N'importe lequel... Je ne suis pas difficile.<BR>+
-Le meilleur, croyez bien, je le trouverai amer, comme la vie!+
- +
- +
-XII<BR>+
-Tu sais que tu n'as aucun pouvoir sur ta destinée.<BR>+
-Pourquoi l'incertitude du lendemain te cause-t-elle de l'anxiété ?<BR>+
-Si tu es un sage, profite du moment actuel.<BR>+
-L'avenir? Que t'apportera-t-il ?+
- +
- +
-XIII<BR>+
-Voici la saison ineffable, la saison de l'espérance,<BR>+
-La saison où les âmes impatientes de s'épanouir recherchent les solitudes parfumées.<BR>+
-Chaque fleur, est-ce la main blanche de Moïse ?<BR>+
-Chaque brise, est-ce l'haleine de Jésus ?+
- +
- +
-XIV<BR>+
-Il ne marche pas fermement sur la Route,<BR>+
-L'homme qui n'a pas cueilli le fruit de la Vérité.<BR>+
-S'il a pu le ravir à l'arbre de la Science, il sait que les jours écoulés<BR>+
-Et les jours à venir ne diffèrent en rien du premier jour décevant de la Création.+
- +
- +
-XV<BR>+
-Au delà de la Terre, au delà de l'Infini,<BR>+
-Je cherchais à voir le Ciel et l'Enfer.<BR>+
-Une voix solennelle m'a dit :<BR>+
-"Le Ciel et l'Enfer sont en toi."+
- +
- +
-XVI<BR>+
-Rien ne m'intéresse plus. Lève-toi, pour me verser du vin !<BR>+
-Ce soir, ta bouche est la plus belle rose de l'univers...<BR>+
-Du vin! Qu'il soit vermeil comme tes joues,<BR>+
-Et que mes remords soient aussi légers que tes boucles !+
- +
- +
-XVII<BR>+
-La brise du printemps rafraîchit le visage des roses.<BR>+
-Dans l'ombre bleue du jardin, elle caresse aussi le visage de ma bien aimée.<BR>+
-Malgré le bonheur que nous avons eu, j'oublie notre passé.<BR>+
-La douceur d'Aujourd'hui est si impérieuse !+
- +
- +
-XVIII<BR>+
-Longtemps encore, chercherai-je à combler de pierres l'Océan ?<BR>+
-Je n'ai que mépris pour les libertins et les dévots.<BR>+
-Khayyâm, qui peut affirmer que tu iras au Ciel ou dans l'Enfer ? D'abord, qu'entendons-nous par ces mots ?<BR>+
-Connais-tu un voyageur qui ait visité ces contrées singulières ?+
- +
- +
-XIX<BR>+
-Buveur, urne immense, j'ignore qui t'a façonné ! Je sais, seulement,<BR>+
-Que tu es capable de contenir trois mesures de vin, et que la Mort te brisera, un jour.<BR>+
-Alors, je me demanderai plus longtemps pourquoi tu as été créé,<BR>+
-Pourquoi tu as été heureux et pourquoi tu n'es que poussière.+
- +
- +
-XX<BR>+
-Aussi rapides que l'eau du fleuve ou le vent du désert,<BR>+
-Nos jours s'enfuient.<BR>+
-Deux jours, cependant, me laissent indifférent : <BR>+
-Celui qui est parti hier et celui qui arrivera demain.+
- +
- +
-XXI<BR>+
-Quand suis-je né ? Quand mourrai-je ?<BR>+
-Aucun homme ne peut évoquer le jour de sa naissance et désigner celui de sa mort.<BR>+
-Viens, ma souple bien-aimée !<BR>+
-Je veux demander à l'ivresse de me faire oublier que nous ne saurons jamais.+
- +
- +
-XXII<BR>+
-Khayyâm, qui cousait les tentes de la Sagesse,<BR>+
-Tomba dans le brasier de la Douleur et fut réduit en cendre.<BR>+
-L'ange Azraël a coupé les cordes de sa tente.<BR>+
-La Mort a vendu sa gloire pour une chanson.+
- +
- +
-XXIII<BR>+
-Pourquoi t'affliges-tu, Khayyâm,<BR>+
-D'avoir commis tant de fautes !<BR>+
-Ta tristesse est inutile.<BR>+
-Après la mort, il y a le néant ou la Miséricorde.+
- +
- +
-XXIV<BR>+
-Dans les monastères, les synagogues et les mosquées<BR>+
-Se réfugient les faibles que l'Enfer épouvante.<BR>+
-L'homme qui connaît la grandeur d'Allah ne sème pas dans son coeur<BR>+
-Les mauvaises graines de la terreur et de l'imploration.+
- +
- +
-XXV<BR>+
-Au printemps, je vais quelquefois m'asseoir à la lisière d'un champ fleuri.<BR>+
-Lorsqu'une belle jeune fille m'apporte une coupe de vin,<BR>+
-Je ne pense guère à mon salut.<BR>+
-Si j'avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu'un chien.+
- +
- +
-XXVI<BR>+
-Le vaste monde: un grain de poussière dans l'espace.<BR>+
-Toute la science des hommes : des mots.<BR>+
-Les peuples, les bêtes et les fleurs des sept climats : des ombres.<BR>+
-Le résultat de ta méditation perpétuelle : +
-Rien.+
- +
- +
-XXVII<BR>+
-Admettons que tu aies résolu l'énigme de la création. Quel est ton destin ?<BR>+
-Admettons que tu aies pu dépouiller de toutes ses robes la Vérité. Quel est ton destin ?<BR>+
-Admettons que tu aies vécu cent ans, heureux, et que tu vives cent ans encore.<BR>+
-Quel est ton destin ?+
- +
- +
-XXVIII<BR>+
-Pénètre-toi bien de ceci : un jour, ton âme tombera de ton corps,<BR>+
-Et tu seras poussé derrière le voile qui flotte entre l'univers et l'inconnaissable.<BR>+
-En attendant, sois heureux !<BR>+
-Tu ne sais pas d'où tu viens. Tu ne sais pas où tu vas.+
- +
- +
-XXIX<BR>+
-Les savants et les sages les plus illustres ont cheminé dans les ténèbres de l'ignorance.<BR>+
-Pourtant, ils étaient les flambeaux de leur époque.<BR>+
-Ce qu'ils ont fait ?<BR>+
-Ils ont prononcé quelques phrases confuses, et ils se sont endormis.+
- +
- +
-XXX<BR>+
-Mon coeur m'a dit: "Je veux savoir, je veux connaître !<BR>+
-Instruis-moi, Khayyâm, toi qui as tant travaillé !"<BR>+
-J'ai prononcé la première lettre de l'alphabet, et mon cœur m'a dit :<BR>+
-"Maintenant, je sais. Un est le premier chiffre du nombre qui ne finit pas..."+
- +
- +
-XXXI<BR>+
-Personne ne peut comprendre ce qui est mystérieux.<BR>+
-Personne n'est capable de voir ce qui se cache sous les apparences.<BR>+
-Toutes nos demeures sont provisoires, sauf notre dernière : la terre.<BR>+
-Bois du vin! Trêve de discours superflus !+
- +
- +
-XXXII<BR>+
-La vie n'est qu'un jeu monotone où tu es sûr de gagner deux lots :<BR>+
-La douleur et la mort.<BR>+
-Heureux, l'enfant qui a expiré le jour de sa naissance !<BR>+
-Plus heureux, celui qui n'est pas venu au monde !+
- +
- +
-XXXIII<BR>+
-Ne cherche aucun ami dans cette foire que tu traverses.<BR>+
-Ne cherche pas, non plus, un abri sûr.<BR>+
-D'une âme ferme, accueille la douleur, et ne songe pas à te procurer un remède que tu ne trouveras pas.<BR>+
-Dans l'infortune, souris. Ne demande à personne de te sourire. Tu perdrais ton temps.+
- +
- +
-XXXIV<BR>+
-La Roue tourne, insoucieuse des calculs des savants.<BR>+
-Renonce à t'efforcer vainement de dénombrer les astres.<BR>+
-Médite plutôt sur cette certitude : tu dois mourir, tu ne rêveras plus,<BR>+
-Et les vers de la tombe ou les chiens errants dévoreront ton cadavre.+
- +
- +
-XXXV<BR>+
-J'avais sommeil.<BR>+
-La Sagesse me dit: "Les roses du Bonheur ne parfument jamais le sommeil.<BR>+
-Au lieu de t'abandonner à ce frère de la Mort, bois du vin.<BR>+
-Tu as l'éternité pour dormir."+
- +
- +
-XXXVI<BR>+
-Le créateur de l'univers et des étoiles s'est vraiment surpassé<BR>+
-Lorsqu'il a créé la douleur ! <BR>+
-Lèvres pareilles au rubis, chevelures embaumées,<BR>+
-Combien êtes-vous dans la terre?+
- +
- +
-XXXVII<BR>+
-Je ne peux apercevoir le Ciel. J'ai trop de larmes dans les yeux !<BR>+
-Les brasiers de l'Enfer ne sont qu'une infime étincelle,<BR>+
-Si je les compare aux flammes qui me dévorent.<BR>+
-Le Paradis, pour moi, c'est un instant de paix.+
- +
- +
-XXXVIII<BR>+
-Sommeil sur la terre. Sommeil sous la terre.<BR>+
-Sur la terre, sous la terre, des corps étendus.<BR>+
-Néant partout. Désert du néant.<BR>+
-Des hommes arrivent. D'autres s'en vont.+
- +
- +
-XXXIX<BR>+
-Vieux monde que traverse, au galop, le cheval blanc et noir du Jour et de la Nuit,<BR>+
-Tu es le triste palais où cent Djemchids ont rêvé de gloire,<BR>+
-Où cent Bahrâms ont rêvé d'amour,<BR>+
-Et se sont réveillés en pleurant.+
- +
- +
-XL<BR>+
-Le vent du sud a flétri la rose dont le rossignol chantait les louanges.<BR>+
-Faut-il pleurer sur elle ou sur nous ?+
-Quand la Mort aura flétri nos joues,<BR>+
-D'autres roses s'épanouiront.+
- +
- +
-XLI<BR>+
-Oublie que tu devais être récompensé hier et que tu ne l'as pas été.<BR>+
-Sois heureux. Ne regrette rien. N'attends rien.<BR>+
-Ce qui doit t'arriver est écrit dans le Livre que feuillette,<BR>+
-Au hasard, le vent de l'Éternité.+
- +
- +
-XLII<BR>+
-Lorsque j'entends disserter sur les joies réservées aux Élus,<BR>+
-Je me contente de dire: "Je n'ai confiance que dans le vin.<BR>+
-De l'argent comptant, et non des promesses !<BR>+
-Le bruit des tambours ne plait qu'à distance..."+
- +
- +
-XLIII<BR>+
-Bois du vin! Tu recevras de la vie éternelle.<BR>+
-Le vin est le seul philtre qui puisse te rendre ta jeunesse.<BR>+
-Divine saison des roses, du vin et des amis sincères !<BR>+
-Jouis de cet instant fugitif qu'est la vie.+
- +
- +
-XLIV<BR>+
-Bois du vin, car tu dormiras longtemps sous la terre,<BR>+
-Sans ami, sans femme.<BR>+
-Je te confie un secret :<BR>+
-Les tulipes fanées ne refleurissent pas.+
- +
- +
-XLV<BR>+
-Tout bas,<BR>+
-L'argile disait au potier qui la pétrissait : <BR>+
-"Considère que j'ai été comme toi...<BR>+
-Ne me brutalise pas!"+
- +
- +
-XLVI<BR>+
-Potier, si tu es perspicace,<BR>+
-Garde-toi de meurtrir la glaise dont fut pétri Adam !<BR>+
-Je vois sur ton tour la main de Féridoun,<BR>+
-Le coeur de Khosrou... Qu'as-tu fait!+
- +
- +
-XLVII<BR>+
-Le coquelicot puise sa pourpre<BR>+
-Dans le sang d'un empereur enseveli.<BR>+
-La Colette naît du grain de beauté<BR>+
-Qui étoilait le visage d'un adolescent.+
- +
- +
-XLVIII<BR>+
-Depuis des myriades de siècles, il y a des aurores et des crépuscules.<BR>+
-Depuis des myriades de siècles, les astres font leur ronde.<BR>+
-Foule la terre avec précaution, car cette petite motte<BR>+
-Que tu vas écraser était peut-être l'oeil alangui d'un adolescent.+
- +
- +
-XLIX<BR>+
-Ce narcisse qui tremble au bord du ruisseau,<BR>+
-Ses racines sortent peut-être des lèvres décomposées d'une femme.<BR>+
-Que tes pas effleurent légèrement le gazon ! Dis-toi qu'il a germé<BR>+
-Dans les cendres de beaux visages qui avaient l'éclat des tulipes rouges.+
- +
- +
-L<BR>+
-J'ai vu, hier,<BR>+
-Un potier qui était assis devant son tour.<BR>+
-Il modelait les anses et les flancs de ses urnes.<BR>+
-Il pétrissait des crânes de sultans et des mains de mendiants.+
- +
- +
-LI<BR>+
-Le bien et le mal se disputent l'avantage, ici-bas.<BR>+
-Le Ciel n'est pas responsable du bonheur ou du malheur que le destin nous apporte.<BR>+
-Ne remercie pas le Ciel ou ne l'accuse pas...<BR>+
-Il est indifférent à tes joies comme à tes peines.+
- +
- +
-LII<BR>+
-Si tu as greffé sur ton cœur la rose de l'Amour,<BR>+
-Ta vie n'a pas été inutile,<BR>+
-Ou bien si tu as cherché à entendre la voix d'Allah,<BR>+
-Ou bien encore si tu as brandi ta coupe en souriant au plaisir.+
- +
- +
-LIII<BR>+
-Prudence, voyageur !<BR>+
-La route où tu marches est dangereuse.<BR>+
-Le glaive du Destin est très affilé. <BR>+
-Si tu vois des amandes douces, ne les cueille pas. Il y a du poison.+
- +
- +
-LIV<BR>+
-Un jardin, une jeune fille onduleuse,<BR>+
-Une urne de vin, mon désir et mon amertume :<BR>+
-Voilà mon Paradis et mon Enfer. <BR>+
-Mais, qui a parcouru le Ciel et l'Enfer?+
- +
- +
-LV<BR>+
-Toi, dont la joue humilie l'églantine,<BR>+
-Toi, dont le visage ressemble à celui d'une idole chinoise,<BR>+
-Sais-tu que ton regard velouté a rendu le roi de Babylone<BR>+
-Pareil au fou du jeu d'échecs qui recule devant la reine?+
- +
- +
-LVI<BR>+
-La vie s'écoule. Que reste-t-il de Bagdad et de Balk ?<BR>+
-Le moindre heurt est fatal à la rose trop épanouie.<BR>+
-Bois du vin, et contemple la lune<BR>+
-En évoquant les civilisations qu'elle a vues s'éteindre.+
- +
- +
-LVII<BR>+
-Écoute ce que la Sagesse te répète toute la journée :<BR>+
-"La vie est brève. <BR>+
-Tu n'as rien de commun avec les plantes<BR>+
-Qui repoussent après avoir été coupées."+
- +
- +
-LVIII<BR>+
-Les rhéteurs et les savants silencieux sont morts<BR>+
-Sans avoir pu s'entendre sur l'être et le non-être.<BR>+
-Ignorants, mes frères, continuons de savourer le jus de la grappe,<BR>+
-Et laissons ces grands hommes se régaler de raisins secs.+
- +
- +
-LIX<BR>+
-Ma naissance n'apporta pas le moindre profit à l'univers.<BR>+
-Ma mort ne diminuera ni son immensité ni sa splendeur.<BR>+
-Personne n'a jamais pu m'expliquer<BR>+
-Pourquoi je suis venu, pourquoi je partirai.+
- +
- +
-LX<BR>+
-Nous tomberons sur le chemin de l'Amour. <BR>+
-Le Destin nous piétinera. <BR>+
-Ô jeune fille, ô ma coupe enchanteresse,<BR>+
-Lève-toi et donne-moi tes lèvres, en attendant que je sois poussière!+
- +
- +
-LXI<BR>+
-Du bonheur, nous ne connaissons que le nom. <BR>+
-Notre plus vieil ami est le vin nouveau. <BR>+
-Du regard et de la main, caresse notre seul bien<BR>+
-Qui ne soit pas décevant : l'urne pleine du sang de la vigne.+
- +
- +
-LXII<BR>+
-Le palais de Bahrâm est maintenant le refuge des gazelles.<BR>+
-Les lions rôdent dans ses jardins où chantaient des musiciennes.<BR>+
-Bahrâm, qui capturait les onagres sauvages, <BR>+
-Dort maintenant sous un tertre où broutent des ânes.+
- +
- +
-LXIII<BR>+
-Ne cherche pas le bonheur. La vie est aussi brève qu'un soupir.<BR>+
-La poussière de Djemchid et de Kaï-Kobad tournoie dans le poudroiement vermeil que tu contemples.<BR>+
-L'univers est un mirage.<BR>+
-La vie est un songe.+
- +
- +
-LXIV<BR>+
-Va t'asseoir, et bois! Tu jouiras d'un bonheur que Mahmoud n'a jamais connu.<BR>+
-Écoute les mélodies qu'exhalent les luths des amants :<BR>+
-Ce sont les vrais psaumes de David. Ne plonge ni dans le passé ni dans l'avenir.<BR>+
-Que ta pensée ne dépasse pas le moment! C'est le secret de la paix.<BR>+
- +
- +
-LXV<BR>+
-Les hommes bornés ou orgueilleux<BR>+
-Etablissent une différence entre l'âme et le corps.<BR>+
-Moi, je n'affirme qu'une chose :<BR>+
-Le vin détruit nos soucis et nous donne la quiétude parfaite.+
- +
- +
-LXVI<BR>+
-Quelle énigme, ces astres qui bondissent dans l'espace !<BR>+
-Khayyâm, tiens solidement la corde de la Sagesse.<BR>+
-Prends garde au vertige qui fait tomber,<BR>+
-Autour de toi, tes compagnons!+
- +
- +
-LXVII<BR>+
-Je ne crains pas la mort.<BR>+
-Je préfère cet inéluctable à l'autre qui me fut imposé lors de ma naissance.<BR>+
-Qu'est-ce que la vie ?<BR>+
-Un bien qui m'a été confié malgré moi et que je rendrai avec indifférence.+
- +
- +
-LXVIII<BR>+
-La vie passe, rapide caravane ! <BR>+
-Arrête ta monture et cherche à être heureux. <BR>+
-Jeune fille, pourquoi t'attristes-tu ? <BR>+
-Verse-moi du vin ! La nuit va bientôt venir...+
- +
- +
-LXIX<BR>+
-J'entends dire que les amants du vin seront damnés.<BR>+
-Il n'y a pas de vérités, mais il y a des mensonges évidents.<BR>+
-Si les amants du vin et de l'amour vont en Enfer, <BR>+
-Le Paradis doit être vide.+
- +
- +
-LXX<BR>+
-Je suis vieux. Ma passion pour toi me mène à la tombe,<BR>+
-Car je ne cesse de remplir de vin de dattes cette grande coupe. <BR>+
-Ma passion pour toi a eu raison de ma raison. <BR>+
-Et le Temps effeuille sans pitié la belle rose que j'avais...+
- +
- +
-LXXI<BR>+
-Tu peux m'obséder, visage d'un autre bonheur !<BR>+
-Vous pouvez moduler vos incantations, voix amoureuses !<BR>+
-Je regarde ce que j'ai choisi et j'écoute ce qui m'a déjà bercé.<BR>+
-On me dit: "Allah te pardonnera". Je refuse ce pardon que je ne demande pas.+
- +
- +
-LXXII<BR>+
-Un peu de pain, un peu d'eau fraîche,<BR>+
-L'ombre d'un arbre, et tes yeux ! <BR>+
-Aucun sultan n'est plus heureux que moi. <BR>+
-Aucun mendiant n'est plus triste.+
- +
- +
-LXXIII<BR>+
-Pourquoi tant de douceur, de tendresse, au début de notre amour ?<BR>+
-Pourquoi tant de caresses, tant de délices, après ? <BR>+
-Maintenant, ton seul plaisir est de déchirer mon cœur...<BR>+
-Pourquoi?+
- +
- +
-LXXIV<BR>+
-Quand mon âme pure et la tienne auront quitté notre corps,<BR>+
-On placera une brique sous notre tête.<BR>+
-Et, un jour,<BR>+
-Un briquetier pétrira tes cendres et les miennes.+
- +
- +
-LXXV<BR>+
-Du vin ! Mon cœur malade veut ce remède !<BR>+
-Du vin, au parfum musqué! Du vin, couleur de rose !<BR>+
-Du vin pour éteindre l'incendie de ma tristesse ! <BR>+
-Du vin, et ton luth aux cordes de soie, ma bien aimée!+
- +
- +
-LXXVI<BR>+
-On parle du Créateur...<BR>+
-Il n'aurait donc formé les êtres que pour les détruire !<BR>+
-Parce qu'ils sont laids ? Qui en est responsable ? <BR>+
-Parce qu'ils sont beaux ? Je ne comprends plus...+
- +
- +
-LXXVII<BR>+
-Tous les hommes voudraient cheminer sur la route de la Connaissance.<BR>+
-Cette route, les uns la cherchent, d'autres affirment qu'ils l'ont trouvée.<BR>+
-Mais, un jour, une voix criera : <BR>+
-"Il n'y a ni route ni sentier!"+
- +
- +
-LXXVIII<BR>+
-Dédié aux flammes de l'aurore le vin de ta coupe pareille à la tulipe printanière !<BR>+
-Dédie au sourire d'un adolescent le vin de ta coupe pareille à sa bouche !<BR>+
-Bois,<BR>+
-Et oublie que le poing de la Douleur te renversera bientôt.+
- +
- +
-LXXIX<BR>+
-Du vin ! Du vin, en torrent ! Qu'il bondisse dans mes veines !<BR>+
-Qu'il bouillonne dans ma tête ! Des coupes...<BR>+
-Ne parle plus ! Tout n'est que mensonge. <BR>+
-Des coupes... Vite ! J'ai déjà vieilli...+
- +
- +
-LXXX<BR>+
-Une telle odeur de vin émanera de ma tombe,<BR>+
-Que les passants en seront enivrés.<BR>+
-Une telle sérénité entourera ma tombe, <BR>+
-Que les amants ne pourront s'en éloigner.+
- +
- +
-LXXXI<BR>+
-Dans le tourbillon de la vie, seuls sont heureux les hommes qui se croient savants<BR>+
-Et ceux qui ne cherchent pas à s'instruire.<BR>+
-Je suis allé me pencher sur tous les secrets de l'univers,<BR>+
-Et j'ai regagné ma solitude en enviant les aveugles que je rencontrais.+
- +
- +
-LXXXII<BR>+
-On me dit: "Ne bois plus, Khayyâm !"<BR>+
-Je réponds: "Quand j'ai bu, j'entends ce que disent les roses,<BR>+
-Les tulipes et les jasmins.<BR>+
-J'entends, même, ce que ne peut me dire ma bien-aimée."+
- +
- +
-LXXXIII<BR>+
-À quoi réfléchis-tu, mon ami ? Tu penses à tes ancêtres ?<BR>+
-Ils sont poussière dans la poussière.<BR>+
-Tu penses à leurs mérites ? Regarde-moi sourire. <BR>+
-Prends cette urne et buvons en écoutant sans inquiétude le grand silence de l'univers.+
- +
- +
-LXXXIV<BR>+
-L'aurore a comblé de roses la coupe du ciel. <BR>+
-Dans l'air de cristal s'égoutte le chant du dernier rossignol. <BR>+
-L'odeur du vin est plus légère. Dire qu'en ce moment des insensés rêvent de gloire, d'honneurs !<BR>+
-Que ta chevelure est soyeuse, ma bien-aimée!+
- +
- +
-LXXXV<BR>+
-Ami, ne fais aucun projet pour demain.<BR>+
-Sais-tu, seulement, si tu pourras achever la phrase que tu vas commencer ?<BR>+
-Demain, nous serons peut-être loin de ce caravansérail,<BR>+
-Et déjà pareils à ceux qui ont disparu, il y a sept mille ans.+
- +
- +
-LXXXVI<BR>+
-Ô rétiaire des cœurs, prends une urne et une coupe !<BR>+
-Allons nous asseoir au bord du ruisseau. <BR>+
-Svelte adolescent au clair visage, <BR>+
-Je te contemple et je songe à l'urne et à la coupe que tu seras, un jour.+
- +
- +
-LXXXVII<BR>+
-Il y a longtemps que ma jeunesse est allée rejoindre tout ce qui est mort.<BR>+
-Printemps de ma vie, tu es maintenant où sont les printemps passés. <BR>+
-Ô ma jeunesse, tu es partie sans que je m'en aperçoive ! <BR>+
-Tu es partie comme s'abolit, chaque jour, la douceur du printemps.+
- +
- +
-LXXXVIII<BR>+
-Ouvre-toi, mon frère, à tous les parfums, à toutes les couleurs, à toutes les musiques.<BR>+
-Caresse toutes les femmes. <BR>+
-Redis-toi que la vie est brève et que tu reviendras bientôt à la terre,<BR>+
-Serais-tu l'eau de Zemzem ou de Selsebil.+
- +
- +
-LXXXIX<BR>+
-Aspirer ici-bas à la paix : folie.<BR>+
-Croire au repos éternel : folie.<BR>+
-Après ta mort, ton sommeil sera bref, et tu renaîtras, dans une touffe d'herbe<BR>+
-Qui sera piétinée ou dans une fleur que le soleil flétrira.+
- +
- +
-XC<BR>+
-Je me demande ce que je possède vraiment. <BR>+
-Je me demande ce qui subsistera de moi après ma mort. <BR>+
-Notre vie est brève comme un incendie. <BR>+
-Flammes que le passant oublie, cendres que le vent disperse : un homme a vécu.+
- +
- +
-XCII<BR>+
-Conviction et doute, <BR>+
-Erreur et vérité, <BR>+
-Ne sont que des mots aussi vides qu'une bulle d'air.<BR>+
-Irisée ou terne, cette bulle est l'image de ta vie.+
- +
- +
-XCII<BR>+
-À la puissance de Kaï-Kaous, à la gloire de Kai-Kobad,<BR>+
-Aux richesses du Khorassan, je préfère une urne de vin.<BR>+
-J'estime l'amant qui gémit de bonheur,<BR>+
-Et je méprise l'hypocrite qui murmure une prière.+
- +
- +
-XCIII<BR>+
-Écoute ce grand secret. <BR>+
-Quand la première aurore illumina le monde, <BR>+
-Adam n'était déjà qu'une douloureuse créature <BR>+
-Qui appelait la nuit, qui appelait la Mort.+
- +
- +
-XCIV<BR>+
-La lune du Ramazan vient d'apparaître. <BR>+
-Demain, le soleil baignera une ville silencieuse. <BR>+
-Les vins dormiront dans les urnes <BR>+
-Et les jeunes filles dans l'ombre des bosquets.+
- +
- +
-XCV<BR>+
-Je n'ai pas demandé de vivre. <BR>+
-Je m'efforce d'accueillir sans étonnement et sans colère<BR>+
-Tout ce que la vie m'apporte. <BR>+
-Je partirai sans avoir questionné personne sur mon étrange séjour sur cette terre.+
- +
- +
-XCVI<BR>+
-Ne laisse pas de cueillir tous les fruits de la vie.<BR>+
-Cours vers tous les festins et choisis les plus grandes coupes.<BR>+
-Ne crois pas qu'Allah tient compte de nos vices ou de nos vertus.<BR>+
-Garde-toi de négliger ce qui peut te rendre heureux.+
- +
- +
-XCVII<BR>+
-Nuit. Silence. Immobilité d'une branche et de ma pensée. Une rose, image de ta splendeur éphémère,<BR>+
-Vient de laisser tomber un de ses pétales. Où es-tu, en ce moment, toi qui m'as tendu la coupe et que j'appelle encore ?<BR>+
-Sans doute, aucune rose ne s'effeuille près de celui que tu désaltères là-bas,<BR>+
-Et tu es privée du bonheur amer dont je sais t'enivrer.+
- +
- +
-XCVIII<BR>+
-Si tu savais comme je m'intéresse peu aux quatre éléments de la nature et aux cinq facultés de l'homme !<BR>+
-Certains philosophes grecs, dis-tu, pouvaient proposer cent énigmes à leurs auditeurs ?<BR>+
-Mon indifférence là-dessus est totale. Apporte du vin, joue du luth<BR>+
-Et que ses modulations me rappellent celles de la brise, qui passe comme nous!+
- +
- +
-XCIX<BR>+
-Quand l'ombre de la Mort s'allongera vers moi, quand la gerbe de mes jours sera liée,<BR>+
-Je vous appellerai, et vous m'emporterez, ô mes amis ! <BR>+
-Lorsque je serai devenu poussière, vous façonnerez, avec mes cendres, une urne que vous remplirez de vin. <BR>+
-Peut-être, alors, me verrez-vous revivre.+
- +
- +
-C<BR>+
-Je ne me préoccupe pas de savoir où je pourrais acheter le manteau de la Ruse et du Mensonge,<BR>+
-Mais je suis toujours à la recherche de bon vin. Ma chevelure est blanche.<BR>+
-J'ai soixante-dix ans. Je saisis l'occasion d'être heureux aujourd'hui,<BR>+
-Car, demain, je n'en aurai peut-être plus la force.+
- +
- +
-CI<BR>+
-Que sont devenus tous nos amis ? <BR>+
-La Mort les a-t-elle renversés et piétinés ?<BR>+
-Que sont devenus tous nos amis ? J'entends encore leurs chansons dans la taverne... <BR>+
-Sont-ils morts, ou sont-ils ivres d'avoir vécu?+
- +
- +
-CII<BR>+
-Quand je ne serai plus,<BR>+
-Il n'y aura plus de roses, de cyprès, de lèvres rouges et de vin parfumé.<BR>+
-Il n'y aura plus d'aubes et de crépuscules, de joies et de peines. <BR>+
-L'univers n'existera plus, puisque sa réalité dépend de notre pensée.+
- +
- +
-CIII<BR>+
-Voici la seule vérité. <BR>+
-Nous sommes les pions de la mystérieuse partie d'échecs jouée par Allah. <BR>+
-Il nous déplace, nous arrête, nous pousse encore, <BR>+
-Puis nous lance, un à un, dans la boîte du néant.+
- +
- +
-CIV<BR>+
-La voûte du ciel ressemble à une tasse renversée <BR>+
-Sous laquelle errent en vain les sages. <BR>+
-Que ton amour pour ta bien-aimée soit pareil à celui de l'urne pour la coupe.<BR>+
-Vois... Lèvre à lèvre, elles se donnent leur sang.+
- +
- +
-CV<BR>+
-Les savants ne t'apprendront rien,<BR>+
-Mais la caresse des longs cils d'une femme te révélera le bonheur.<BR>+
-N'oublie pas que tes jours sont comptés et que tu seras bientôt la proie de la terre.<BR>+
-Achète du vin, emporte-le à l'écart, puis laisse-le te consoler.+
- +
- +
-CVI<BR>+
-Il te versera sa chaleur. <BR>+
-Il te délivrera des neiges du passé et des brumes de l'avenir. <BR>+
-Il t'inondera de lumière. <BR>+
-Il brisera tes chaînes de prisonnier.+
- +
- +
-CVII<BR>+
-Autrefois, quand je fréquentais les mosquées, <BR>+
-Je n'y prononçais aucune prière, mais j'en revenais riche d'espoir. <BR>+
-Je vais toujours m'asseoir dans les mosquées,<BR>+
-Où l'ombre est propice au sommeil.+
- +
- +
-CVIII<BR>+
-Sur la Terre, bariolée, chemine quelqu'un qui n'est ni musulman, ni infidèle, ni riche, ni pauvre.<BR>+
-Il ne révère ni Allah, ni les lois. Il ne croit pas à la vérité.<BR>+
-Il n'affirme jamais rien. <BR>+
-Sur la Terre bariolée, quel est cet homme brave et triste?+
- +
- +
-CIX<BR>+
-Avant de pouvoir caresser un visage pareil à une rose,<BR>+
-Que d'épines tu as à retirer de ta chair! Vois ce peigne.<BR>+
-C'était un morceau de bois. Quand on l'a découpé, quel supplice il a subi !<BR>+
-Mais, il a plongé dans la chevelure parfumée d'un adolescent.+
- +
- +
-CX<BR>+
-Quand la brise du matin entr'ouvre les roses<BR>+
-Et leur chuchote que les violettes ont déjà déplié leurs robes,<BR>+
-Seul est digne de vivre celui qui regarde dormir une souple jeune Elle,<BR>+
-Saisit sa coupe, la vide, puis la jette.+
- +
- +
-CXI<BR>+
-Tu appréhendes ce qui peut t'arriver demain ?<BR>+
-Sois confiant, sinon l'infortune ne manquerait pas de justifier tes craintes. <BR>+
-Ne t'attache à rien, ne questionne ni livres ni gens,<BR>+
-Car notre destinée est insondable.+
- +
- +
-CXII<BR>+
-Seigneur, Ô Seigneur, réponds-nous! <BR>+
-Tu nous as donné des yeux, et tu as permis que la beauté de tes créatures nous éblouisse... <BR>+
-Tu nous as donné la faculté d'être heureux, et tu voudrais que nous renoncions à jouir des biens de ce monde ? <BR>+
-Mais cela nous est aussi impossible que de renverser une coupe sans répandre le vin qu'elle contient !+
- +
- +
-CXIII<BR>+
-Dans une taverne, <BR>+
-Je demandais à un vieux sage de me renseigner sur ceux qui sont partis.<BR>+
-Il m'a répondu : <BR>+
-"Ils ne reviendront pas. C'est tout ce que je sais. Bois du vin!"+
- +
- +
-CXIV<BR>+
-Regarde ! Écoute ! Une rose tremble dans la brise.<BR>+
-Un rossignol lui chante un hymne passionné. Un nuage s'est arrêté. <BR>+
-Buvons du vin! Oublions que cette brise effeuillera la rose,<BR>+
-Emportera le chant du rossignol et ce nuage qui nous donne une ombre si précieuse.+
- +
- +
-CXV<BR>+
-Cette voûte céleste sous laquelle nous errons,<BR>+
-Je la compare à une lanterne magique<BR>+
-Dont le soleil est la lampe. <BR>+
-Et le monde est le rideau où passent nos images.+
- +
- +
-CXVI<BR>+
-Une rose disait : "Je suis la merveille de l'univers.<BR>+
-Vraiment, un parfumeur aura-t-il le courage de me faire souffrir ?"<BR>+
-Un rossignol chanta : <BR>+
-"Un jour de bonheur prépare un an de larmes."+
- +
- +
-CXVII<BR>+
-Ce soir ou demain, tu ne seras plus. <BR>+
-Il est temps que tu demandes du vin, couleur de rose. <BR>+
-Insensé, te compares-tu à un trésor, <BR>+
-Et crois-tu que des voleurs méditent déjà d'ouvrir ton sépulcre et d'emporter ton cadavre?+
- +
- +
-CXVIII<BR>+
-Sultan, ta destinée glorieuse était écrite dans les constellations où flamboie le nom de Khosrou !<BR>+
-Depuis le commencement des âges, <BR>+
-Ton cheval, aux sabots d'or, bondissait parmi les astres. <BR>+
-Quand tu passes, un tourbillon d'étincelles te dérobe à notre vue. +
- +
- +
-CXIX<BR>+
-L'amour qui ne ravage pas n'est pas l'amour. <BR>+
-Un tison répand-il la chaleur d'un brasier ? <BR>+
-Nuit et jour, durant toute sa vie, <BR>+
-Le véritable amant se consume de douleur et de joie.+
- +
- +
-CXX<BR>+
-Tu peux sonder la nuit qui nous entoure. <BR>+
-Tu peux foncer sur cette nuit... Tu n'en sortiras pas. <BR>+
-Adam et Ève, qu'il a dû être atroce, votre premier baiser, <BR>+
-Puisque vous nous avez créés désespérés!+
- +
- +
-CXXI<BR>+
-Les étoiles laissent tomber leurs pétales d'or. <BR>+
-Je me demande pourquoi mon jardin n'en est pas déjà tapissé. <BR>+
-Comme le ciel répand ses fleurs sur la terre, <BR>+
-Je verse dans ma coupe noire du vin rose.+
- +
- +
-CXXII<BR>+
-Je bois du vin comme la racine du saule boit l'onde claire du torrent.<BR>+
-Allah seul est Allah.<BR>+
-Allah seul sait tout, dis-tu ? Quand il m'a créé, il savait que je croirais au vin.<BR>+
-Si je m'abstenais de boire, la science d'Allah serait en défaut.+
- +
- +
-CXXIII<BR>+
-Le vin, seul, te délivrera de tes soucis. <BR>+
-Le vin, seul, t'empêchera d'hésiter entre les soixante-douze sectes. <BR>+
-Ne te détourne pas du magicien <BR>+
-Qui a le pouvoir de te transporter dans la contrée de l'oubli.+
- +
- +
-CXXIV<BR>+
-Chaque matin, la rosée accable les tulipes, les jacinthes et les violettes,<BR>+
-Mais le soleil les délivre de leur brillant fardeau. <BR>+
-Chaque matin, mon coeur est plus lourd dans ma poitrine, <BR>+
-Mais ton regard le délivre de sa tristesse.+
- +
- +
-CXXV<BR>+
-Si tu veux avoir la magnifique solitude des étoiles et des fleurs,<BR>+
-Romps avec tous les hommes, avec toutes les femmes. <BR>+
-Ne chemine près de personne. <BR>+
-Ne te penche sur aucune douleur. Ne participe à aucune fête.+
- +
- +
-CXXVI<BR>+
-Le vin a la couleur des roses. <BR>+
-Le vin n'est peut-être pas le sang de la vigne, mais celui des roses. <BR>+
-Cette coupe n'est peut-être pas du cristal, mais de l'azur figé. <BR>+
-La nuit n'est peut-être que la paupière du jour.+
- +
- +
-CXXVII<BR>+
-Le vin procure aux sens une ivresse pareille à celle des Élus. <BR>+
-Il nous rend notre jeunesse, il nous rend ce que nous avons perdu et il nous donne ce que nous désirons.<BR>+
-Il nous brûle comme un torrent de feu,<BR>+
-Mais il peut aussi changer notre tristesse en eau rafraîchissante.+
- +
- +
-CXXVIII<BR>+
-Referme ton Koran. Pense librement, et regarde librement le ciel et la terre.<BR>+
-Au pauvre qui passe, donne la moitié de ce que tu possèdes. <BR>+
-Pardonne à tous les coupables. Ne contriste personne. <BR>+
-Et cache-toi pour sourire.+
- +
- +
-CXXIX<BR>+
-Que l'homme est faible ! Que le Destin est inéluctable ! <BR>+
-Nous faisons des serments que nous ne tenons pas, et notre honte nous est indifférente. <BR>+
-Moi-même, j'agis souvent comme un insensé. <BR>+
-Mais, j'ai l'excuse d'être ivre d'amour.+
- +
- +
-CXXX<BR>+
-Homme, puisque ce monde est un mirage, pourquoi te désespères-tu,<BR>+
-Pourquoi penses-tu sans cesse à ta misérable condition ? <BR>+
-Abandonne ton âme à la fantaisie des heures. <BR>+
-Ta destinée est écrite. Aucune rature ne la modifiera.+
- +
- +
-CXXXI<BR>+
-Cette buée autour de cette rose, est-ce une volute de son parfum<BR>+
-Ou le fragile rempart que la brume lui a laissé ? <BR>+
-Ta chevelure sur ton visage, est-ce encore de la nuit que ton regard va dissiper ? <BR>+
-Réveille-toi, bien-aimée ! Le soleil dore nos coupes. Buvons !+
- +
- +
-CXXXII<BR>+
-Prends la résolution de ne plus contempler le ciel. <BR>+
-Entoure-toi de belles jeunes filles et caresse-les. Tu hésites? <BR>+
-Tu as encore envie de supplier Allah ? Avant toi, des hommes ont prononcé de ferventes prières. <BR>+
-Ils sont partis, et tu ignores si Allah les a entendus.+
- +
- +
-CXXXIII<BR>+
-L'aurore! Bonheur et pureté ! <BR>+
-Un immense rubis scintille dans chaque coupe. <BR>+
-Prends ces deux branches de santal. <BR>+
-Transforme celle-ci en luth, et embrase l'autre pour qu'elle nous parfume.+
- +
- +
-CXXXIV<BR>+
-Las d'interroger vainement les hommes et les livres, j'ai voulu questionner l'urne. <BR>+
-J'ai posé mes lèvres sur ses lèvres, et j'ai murmuré: "Quand je serai mort, où irai-je ?"<BR>+
-Elle m'a répondu: "Bois à ma bouche. Bois longtemps. <BR>+
-Tu ne reviendras jamais ici-bas."+
- +
- +
-CXXXV<BR>+
-Si tu es ivre, Khayyâm, sois heureux. <BR>+
-Si tu contemples ta bien-aimée aux joues de rose, sois heureux. <BR>+
-Si tu rêves que tu n'existes plus, sois heureux, <BR>+
-Puisque la mort est le néant.+
- +
- +
-CXXXVI<BR>+
-Je traversais l'atelier désert d'un potier. <BR>+
-Il y avait au moins deux mille urnes, qui parlaient tout bas. <BR>+
-Soudain, l'une d'elles cria : <BR>+
-"Silence! Permettez à ce passant d'évoquer les potiers et les acheteurs que nous étions..."+
- +
- +
-CXXXVII<BR>+
-Vous dites que le vin est le seul baume ? <BR>+
-Apportez-moi tout le vin de l'univers ! <BR>+
-Mon cœur a tant de blessures... <BR>+
-Tout le vin de l'univers, et que mon cœur garde ses blessures !+
- +
- +
-CXXXVIII<BR>+
-Quelle âme légère, celle du vin ! <BR>+
-Potiers, pour cette âme légère, faites aux urnes des parois bien lisses ! <BR>+
-Ciseleurs de coupes, arrondissez-les avec amour,<BR>+
-Afin que cette âme voluptueuse puisse doucement se caresser à de l'azur !+
- +
- +
-CXXXIX<BR>+
-Ignorant qui te crois savant, je te regarde suffoquer entre l'infini du passé et l'infini de l'avenir.<BR>+
-Tu voudrais planter une borne entre ces deux infinis et t'y jucher... <BR>+
-Va plutôt t'asseoir sous un arbre, <BR>+
-Près d'un flacon de vin qui te fera oublier ton impuissance.+
- +
- +
-CXL<BR>+
-Une autre aurore ! <BR>+
-Comme chaque matin, je découvre la splendeur du monde et je m'afflige de ne pouvoir remercier son créateur.<BR>+
-Mais, tant de roses me consolent, tant de lèvres s'offrent aux miennes ! <BR>+
-Laisse ton luth, ma bien-aimée, puisque les oiseaux se mettent à chanter.+
- +
- +
-CXLI<BR>+
-Contente-toi de savoir que tout est mystère : la création du monde et la tienne, la destinée du monde et la tienne.<BR>+
-Souris à ces mystères comme à un danger que tu mépriserais. <BR>+
-Ne crois pas que tu sauras quelque chose quand tu auras franchi la porte de la Mort. <BR>+
-Paix à l'homme dans le noir silence de l'Au-Delà !+
- +
- +
-CXLII<BR>+
-Au milieu de la prairie verte, l'ombre de cet arbre ressemble à une île. <BR>+
-Passant, reste où tu es, là-bas ! <BR>+
-Entre la route que tu suis et cette ombre qui tourne lentement, <BR>+
-Il y a peut-être un abîme infranchissable.+
- +
- +
-CXLIII<BR>+
-Que ferai-je, aujourd'hui ? Irai-je à la taverne ?<BR>+
-Irai-je m'asseoir dans un jardin, ou me pencherai-je sur un livre ? <BR>+
-Un oiseau passe. Où va-t-il ? Je l'ai déjà perdu de vue. Ivresse d'un oiseau dans l'azur torride ! <BR>+
-Mélancolie d'un homme dans l'ombre fraîche d'une mosquée!+
- +
- +
-CXLIV<BR>+
-Un peu plus de vin, ma bien-aimée !<BR>+
-Tes joues n'ont pas encore l'éclat des roses. <BR>+
-Un peu plus de tristesse, Khayyâm ! <BR>+
-Ta bien-aimée va te sourire.+
- +
- +
-CXLV<BR>+
-Notre univers est une tonnelle de roses. Nos visiteurs sont les papillons. <BR>+
-Nos musiciens sont les rossignols. <BR>+
-Quand il n'y a plus ni roses, ni feuilles,<BR>+
-Les étoiles sont mes roses et ta chevelure est ma forêt.+
- +
- +
-CXLVI<BR>+
-Serviteurs, n'apportez pas les lampes puisque mes convives, exténués, se sont endormis.<BR>+
-J'y vois suffisamment pour distinguer leur pâleur. <BR>+
-Étendus et froids, ils seront ainsi dans la nuit du tombeau. <BR>+
-N'apportez pas les lampes, car il n'y a pas d'aube chez les morts.+
- +
- +
-CXLVII<BR>+
-Quand tu chancelles sous le poids de la douleur,<BR>+
-Quand tu n'as plus de larmes, pense à la verdure qui miroite après la pluie. <BR>+
-Quand la splendeur du jour t'exaspère, <BR>+
-Quand tu souhaites qu'une nuit définitive s'abatte sur le monde, pense au réveil d'un enfant.+
- +
-CXLVIII<BR>+
-Je dissimule ma tristesse, <BR>+
-Puisque les oiseaux blessés se cachent pour mourir. <BR>+
-Du vin ! Écoutez mes plaisanteries ! <BR>+
-Du vin, des roses, des chants de luth et ton indifférence à ma tristesse, bien-aimée !+
- +
- +
-CXLIX<BR>+
-Seigneur, tu as placé mille pièges invisibles sur la route que nous suivons,<BR>+
-Et tu as dit: "Malheur à ceux qui ne les éviteront pas!" <BR>+
-Tu vois tout, tu sais tout. Rien n'arrive sans ta permission. <BR>+
-Sommes-nous responsables de nos fautes ? Peux-tu me reprocher ma révolte ?+
- +
- +
-CL<BR>+
-J'ai beaucoup appris et j'ai beaucoup oublié aussi, volontairement. <BR>+
-Dans ma mémoire, chaque chose était à sa place. Par exemple, ce qui était à droite ne pouvait aller à gauche. <BR>+
-Je n'ai connu la paix que le jour où j'ai tout rejeté avec mépris. <BR>+
-J'avais enfin compris qu'il est impossible d'affirmer ou de nier.+
- +
- +
-CLI<BR>+
-J'ai eu des maîtres éminents. <BR>+
-Je me suis réjoui de mes progrès, de mes triomphes.<BR>+
-Quand j'évoque le savant que j'étais, <BR>+
-Je le compare à l'eau qui prend la forme du vase et à la fumée que le vent dissipe.+
- +
- +
-CLII<BR>+
-Pour le sage, la tristesse et la joie se ressemblent, le bien et le mal aussi.<BR>+
-Pour le sage, tout ce qui a commencé doit finir. <BR>+
-Alors, demande-toi si tu as raison de te réjouir de ce bonheur qui t'arrive,<BR>+
-Ou de te désoler de ce malheur que tu n'attendais pas.+
- +
- +
-CLIII<BR>+
-Puisque notre sort, ici-bas, est de souffrir puis de mourir,<BR>+
-Ne devons-nous pas souhaiter de rendre le plus tôt possible à la terre notre corps misérable ?<BR>+
-Et notre âme, qu'Allah attend pour la juger selon ses mérites, dites-vous ?<BR>+
-Je vous répondrai là-dessus, quand j'aurai été renseigné par quelqu'un revenant de chez les morts.+
- +
- +
-CLIV<BR>+
-Derviche, dépouille-toi de cette robe peinte dont tu es si fier et que tu n'avais pas à ta naissance !<BR>+
-Endosse le manteau de la Pauvreté. <BR>+
-Les passants ne te salueront pas, <BR>+
-Mais tu entendras chanter dans ton coeur tous les séraphins du ciel.+
- +
- +
-CLV<BR>+
-Ivre ou altéré, je ne cherche qu'à dormir.<BR>+
-J'ai renonce à savoir ce qui est bien, ce qui est mal.<BR>+
-Pour moi, le bonheur et la douleur se ressemblent.<BR>+
-Quand un bonheur m'arrive, je ne lui accorde qu'une petite place, car je sais qu'une douleur le suit.+
- +
- +
-CLVI<BR>+
-On ne peut incendier la mer, <BR>+
-Ni convaincre l'homme que le bonheur est dangereux. <BR>+
-Il sait, pourtant, que le moindre choc est fatal <BR>+
-A l'urne pleine et laisse intacte l'urne.+
- +
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-CLVII<BR>+
-Regarde autour de toi. Tu ne verras qu'afflictions, angoisses et désespoirs.<BR>+
-Tes meilleurs amis sont morts. La tristesse est ta seule compagne.<BR>+
-Mais, relève la tête ! Ouvre tes mains ! Saisis ce que tu désires et ce que tu peux atteindre.<BR>+
-Le passé est un cadavre que tu dois enterrer.+
- +
- +
-CLVIII<BR>+
-Je regarde ce cavalier qui s'éloigne dans la brume du soir. <BR>+
-Traversera-t-il des forêts ou des plaines incultes ? Où va-t-il ? Je ne sais.<BR>+
-Demain, serai-je étendu sur la terre ou sous la terre ?<BR>+
-Je ne sais.+
- +
- +
-CLIX<BR>+
-"Allah est grand!"<BR>+
-Ce cri du moueddin ressemble à une immense plainte. <BR>+
-Cinq fois par jour, <BR>+
-Est-ce la Terre qui gémit vers son créateur indifférent?+
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-CLX<BR>+
-Le Ramazan' est fini. Corps épuisés, âmes fanées, la joie revient !<BR>+
-Les conteurs savent des histoires nouvelles. <BR>+
-Les porteurs de vin, les marchands de rêves lancent leurs appels. <BR>+
-Mais je n'entends pas celui qui me rendra la vie, celui de ma bien-aimée.+
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-CLXI<BR>+
-Regarde ce ruisseau qui brille dans ce jardin. <BR>+
-Comme moi, décide que tu vois le Kaouçar<BR>+
-Et que tu es dans le Paradis. <BR>+
-Va chercher ton amie au visage de rose.+
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-CLXII<BR>+
-Tu ne vois que les apparences des choses et des êtres. <BR>+
-Tu te rends compte de ton ignorance, mais tu ne veux pas renoncer à aimer. <BR>+
-Apprends qu'Allah nous a donné l'amour <BR>+
-Comme il a rendu certaines plantes vénéneuses.+
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-CLXIII<BR>+
-Tu es malheureux? Ne pense pas à ta douleur, et tu ne souffriras pas.<BR>+
-Si ta peine est trop violente, songe à tous les hommes qui ont souffert inutilement depuis la création du monde.<BR>+
-Choisis une femme aux seins de neige, et garde-toi de l'aimer. <BR>+
-Qu'elle soit, aussi, incapable de t'aimer.+
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-CLXIV<BR>+
-Pauvre homme, tu ne sauras jamais rien.. <BR>+
-Tu n'élucideras jamais un seul des mystères qui nous entourent. <BR>+
-Puisque les religions te promettent le Paradis, <BR>+
-Aie soin de t'en créer un sur cette terre, car l'autre n'existe peut-être pas.+
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-CLXV<BR>+
-Lampes qui s'éteignent, <BR>+
-Espoirs qui s'allument. <BR>+
-Aurore. Lampes qui s'allument, <BR>+
-Espoirs qui s'éteignent. Nuit.+
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-CLXVI<BR>+
-Tous les royaumes pour une coupe de vin précieux ! <BR>+
-Tous les livres et toute la science des hommes pour une suave odeur de vin ! <BR>+
-Tous les hymnes d'amour pour la chanson du vin qui coule ! <BR>+
-Toute la gloire de Féridoun pour ce chatoiement sur cette urne !+
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-CLXVII<BR>+
-J'ai reçu le coup que j'attendais. Ma bien-aimée m'a abandonné.<BR>+
-Quand je l'avais, il m'était facile de mépriser l'amour et d'exalter tous les renoncements.<BR>+
-Près de ta bien-aimée, Khayyâm, comme tu étais seul ! <BR>+
-Vois-tu, elle est partie pour que tu puisses te réfugier en elle.+
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-CLXVIII<BR>+
-Seigneur, tu as brisé ma joie ! <BR>+
-Seigneur, tu as élevé une muraille entre mon coeur et son coeur ! <BR>+
-Ma belle vendange, tu l'as piétinée. <BR>+
-Je vais mourir, mais tu chancelles, enivré !+
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-CLXIX<BR>+
-Silence, ma douleur! <BR>+
-Laisse-moi chercher un remède. <BR>+
-Il faut que je vive, car les morts n'ont plus de mémoire. <BR>+
-Et je veux revoir sans cesse ma bien-aimée !+
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-CLXX<BR>+
-Luths, parfums et coupes, lèvres, chevelures et longs yeux,<BR>+
-Jouets que le Temps détruit, jouets ! <BR>+
-Austérité, solitude et labeur, méditation, prière et renoncement,<BR>+
-Cendres que le Temps écrase, cendres !</font></div>+
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-<font size="-2">Traduction de Franz Toussaint.</font>+
-{{Poésie soufie}}+
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  1. REDIRECT Rubayat, par Omar Khayyâm, quatrains I à X