Une demi-heure, par Anatole Swadock
Un article de Caverne des 1001 nuits.
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- une demi heure et le temps s’en ira
- chercher plus loin sa sinueuse route
- dans un vol de vie en déroute
- qui coure et exhale la peur du paria
- une demi-heure et le chemin cahote
- sous les vagues brisées de la tôle qui ondule
- entre deux forêts où les hiboux hululent
- leur soif de trancher les innocentes aortes
- une demi-heure pour se vider la tête
- des spectres aux tourments maléfiques
- de leurs danses sacrales et leurs grimaces cyniques
- qui vous montrent en vain qu’ils vous voient comme vous êtes
- une demi-heure et le glas sonne minuit
- pour se parer de pourpre une lune s’enfuit
- cachant dans son col froid les secrets des ténèbres
- une lame sifflant la mélopée funèbre
- une demi-heure et vous êtes soudain seul
- les autres ont pris place dans l’enceinte de la pierre
- sculptés comme par malice par le charmeur d’hier
- piliers du jour d’hui aux couleurs de linceuls
- une demi-heure et ce n’est pas si mal
- comme un vent de glace balaye la banquise
- les secondes se pressent comme un pêcheur trimbale
- dans un sceau jaune et sale la fraîcheur de sa prise
- une demi-heure pour un chant de cygne
- qui vous fait vous lever au moindre bruit de bas
- la tonalité donnée s’amuse avec l’insigne
- honneur de parodier le trépas
- une demi-heure et le monde se grise
- d’une fumée trouble qui vous glace les sangs
- des mains glacées attaquent de toutes part vos vêtements
- et chuchotent sans fin au dedans de la bise
- c’était donc cela une demi-heure
- un temps bien imparfait bien asymétrique
- pour des forces tendues par la maigre panique
- qui fait fuir les âmes des sorciers de l’erreur
- une demi-heure vous êtes à la moitié
- le flux de vos pensées tarit alors que tout s’anime
- cloué en parasite le jeu est unanime
- pour vous désigner forcé en tronc de pitié
- une demi-heure voilà que le vent tourne
- le sang afflue de nouveau dans les fins capillaires
- le fog s’engouffre en votre nez comme le sable s’enfourne
- dans votre gueule énorme d’airain et de fer
- une demi-heure est le temps du voyage
- vous voilà l’ombre métallique d’un jour
- un triptyque creusé dans les parois des tours
- où le vent sot attaque les animaux en cage
- une demi-heure mais n’est pas le logis
- d’où enfant pris de fièvre vous aviez fui
- ne contemplez-vous point une rengaine obscure
- d’un éternel passé ou d’un rêve futur
- une demi-heure en ce lieu mon dieu ce serait trop
- la vapeur se dégage de ces cônes d’artifices
- les lueurs vénéneuses glissent des nombreux orifices
- qui peuplent les tentures et les tas de métaux
- une demi-heure mais où est la sortie
- si c’est pour choir jusqu’à la fin de vie
- qui viendra désormais dans cette basse-cour
- où se confondent infiniment la nuit et le jour
- une demi-heure le piège se révèle
- les dents rouillées sortent de partout de nulle part
- chaque bout de mâchoire réclame de chair sa part
- afin de peindre en sang l’immonde et calme ciel
- une demi-heure pour éviter les pics
- qui giclent comme des feux brûlent les hérétiques
- une demi-heure mais elle s’écoule enfin
- au diable les images chamarrées des catins
- une demi-heure les lambeaux de votre âme se décollent
- dans un vent de mars ils dansent en farandole
- pour des étoiles aveugles oubliant d’être les compagnes
- d’une nuit maudite brillant sur le bagne
- la chute s’effectue dans la demi-heure
- une évasion de chance et d’émail renouvelé
- quand la sourdine entonne les matins nivelés
- par la neige blanche écho au jour rieur
- tout est gagné dans cette demi-heure
- tous est joué et serein tout se transforme
- tout est l’image de tout en un simple copieur
- qui se mire pour longtemps dans le miroir informe
- vous laissez derrière vous le temps
- une demi-heure sévère à jamais gravée là
- peut-être nécessitiez-vous un moment
- pour passer d’une minute les sabres et les glas
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