Métaphysique de l'objet

Un article de Caverne des 1001 nuits.

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Sommaire

[modifier] Un problème de définition

La philosophie a souvent voulu viser à une définition de l'objet philosophique identique à la définition de l'objet mathématique.

Il en résulte de nombreux débats très complexes et très peu convaincants visant à définir exhaustivement les objets de la pensée philosophique dans un système. Seuls quelques grands philosophes comme Kant ont voulu se limiter à l'étude de certaines dimensions très réduites de l'homme, des dimensions qui par ailleurs exhibaient des objets dont la définition pouvait être mathématique, donc saisissable par des raisonnements logiques classiques.

[modifier] La définition extérieure de l'objet

Le dernier grand courant qui voulut définir l'objet de manière rigoureuse dans tous les cadres d'investigation de la philosophie est la phénoménologie. Ce courant philosophique, en recensant l'ensemble des phénomènes produits par l'objet, visait à une description exhaustive de l'objet au sens mathématique, même si cet objet était, selon cette théorie, en lui-même, inconnu et inaccessible.

Cette perspective de la description extérieure avait plusieurs inconvénients. Tout d'abord, elle visait à l'universalité des phénomènes tout en étant très subjective et en ne proposant que des modèles formels inaccessibles à l'homme (les séries de phénomènes). De plus, elle partait du principe que chaque trait important de l'objet est perceptible au niveau du phénomène, ce qui est une hypothèses plus que discutable.

En effet, si l'on étudie même une machine comme une voiture, les phénomènes externes de cette voiture ne peuvent établir avec certitude la liste des composants avec lesquelles on l'a construite. Si l'on tente de passer de cet exemple trivial à l'homme, on peut passer à côté du refoulement freudien par exemple, qui lui-même trahit, après une longue investigation dans les recoins de l'inconscient, des choses enfouies non immédiatement perceptibles en tant que phénomène. La logique de la phénoménologie peut être vue comme une logique de surface qui ne propose pas de modèle concret pour débarrasser les phénomènes de leur affactivité ou de leur subjectivité. En ce sens, elle est pour moi une régression par rapport à la méthode scientifique qui cherche à abstraire tandis que la phénoménologie cherche à accumuler en espérant que la connaissance surgira de cette accumulation.

Enfin, elle n'établit pas de différence de structure entre les objets dits « relatifs aux humains » et les objets mathématiques.

[modifier] Vers un objet philosophique

Or, la notion d'objet philosophique est bouleversée, au XXème siècle, par l'arrivée de la psychanalyse de Freud qui montre que chaque objet de la psychée (par exemple la représentation d'une personne chère) est composé de parties inconscientes. L'objet devient alors un objet flou, non forcément saisissable dans sa globalité mais non plus complètement inaccessible, sentiment que certains philosophes possédaient depuis des siècles.

Une des erreurs de la phénoménologie est d'avoir refusé ce renouveau étonnant du concept d'objet, de ne l'avoir considéré que comme une théorie médicale, d'y avoir vu une théorie psychologique parmi d'autres, de l'avoir refusée voire refoulée, au lieu d'y voir une véritable rupture épistémologique dans l'histoire de la philosophie.

Refonder la philosophie aujourd'hui impliquerait d'accepter comme perspective absolument nouvelle le fait que l'objet puisse être flou, ce flou dépendant de l'observateur. La logique n'est, bien entendu, pas nouvelle, elle pourrait même être comparée à la logique relativiste développée par la physique du début du siècle.

Un des axiomes de la nouvelle philosophie pourrait être la non-identité de l'objet philosophique avec lui-même. Cette caractéristique de l'objet philosophique est une généralisation de la notion d'objet mathématique. Par conséquent, la philosophie retrouve son rôle de Science par excellence. Les objets qu'elle aborde sont des objets complexes dont un des cas particuliers peut être un objet physique ou mathématique inclus dans une trame d'outils spécifiques (les équations). En ce sens la philosophie ne refuse plus les autres sciences, elle ne concourt plus avec elle, elle s'en sert comme techniques d'analyse.

Pour ce qui est des objets spécifiques à la philosophie, les objets non-identiques à eux-mêmes, ces derniers peuvent être analysés suivant des canevas mélangeant des approches scientifiques d'origine diverse. Car la philosophie a besoin de modèles, et ne doit pas se sentir en concurrence avec les modèles rigoureux des philosophes ou les modèles psychologiques : elle doit les utiliser. Par exemple, le modèle psychanalytique (multiple par ailleurs), est utile pour décrire à la fois l'hétérogénéité de l'objet philosophique (ses diverses composantes) et l'inaccessibilité de certaines de ses composantes (sur les parties relatives à l'inconscient). Le modèle scientifique classique est lui aussi très utile pour projeter l'objet sur des dimensions finies et connues afin d'en tirer des caractéristiques d'une manière plus rigoureuse et plus mesurable.

L'objet philosophique apparaît donc comme un objet multi-dimensionnel dont toutes les composantes dimensionnelles ne nous sont pas forcément accessibles autrement que par la représentation, qui est une approximation de l'objet avec perte, et qui s'appuie sur un modèle particulier. Bien entendu, chaque modèle est en lui-même insuffisant, incomplet, mais il sert à proposer une représentation philosophique, cette fois, de l'objet dans une pluralité d'approches diverses, pluralité derrière laquelle seul le philosophe peut tenter des synthèses, temporellement datées.

Le schéma de la représentation est très simple et parfaitement lié au problème d'identité d'un objet avec lui-même. Si, en effet, une personne représente un objet A à un moment t, puis le représente à un moment t+dt, fort d'une connaissance nouvelle de cette objet, la représentation de A à l'instant t, A(t), ne sera pas la même que la représentation de A à t+dt, A(t+dt). L'identité A=A n'a donc a priori pas de sens pour ce même observateur sur la ligne du temps. Cela est encore plus vrai si l'on compare la représentation de A par une personne X et par une personne Y. A étant un objet philosophique, sa représentation est par essence non-identique d'une personne à l'autre et d'une personne à elle-même sur l'axe du temps.

On pourra argumenter que la phénoménologie avait raison, que l'objet est donc d'une certaine manière inaccessible dans sa globalité, car sa représentation est mouvante ; son en-soi nous est inaccessible. Cependant, en refondant le concept d'objet philosophique, nous dépassons cette conclusion de la phénoménologie ; mieux, nous envisageons des connaissances parcellaires de l'objet, au travers de l'usage des sciences humaines, mathématiques ou psychanalytiques.

Fondamentalement, la phénoménologie envisageait l'objet comme étant saisissable dans la conscience uniquement. Il y avait là un acte de foi dans la conscience de l'homme, une surestimation de la partie consciente et intellectuelle de l'homme. Cette surestimation peut être vue comme étroitement liée à l'histoire politique du moment dans laquelle les doctrines marxistes envisagent l'homme comme parfaitement maître de son destin et de son histoire.

Nous envisageons même de faire un bilan daté dans l'histoire de la pensée de l'objet au regard des multiples représentations de l'objet sur les diverses axes de la connaissance. En un sens, cette approche est une approche de phénoménologie des représentations.

[modifier] Conclusion

Dans la tentative de définition de l'objet philosophique que nous faisons au moyen d'une propriété de l'objet par rapport à son identité, nous ouvrons la porte à l'utilisation des sciences actuelles, quelque soient leurs origines, dans la découverte de cet objet philosophique, appartenant au sur-ensemble des objets mathématiques. Nous proposons aussi une refondation de la philosophie dans le rôle qu'elle a toujours occupé, le rôle de mère de toutes les sciences. En revanche, nous prenons garde à ne pas nous limiter aux concepts hérités du passé pour guider notre approche de problèmes présents.

Gageons que cette perspective pourra donner des ailes à de nouvelles générations de philosophes.