Le manque d'empathie comme culture
Un article de Caverne des 1001 nuits.
Version du 26 avril 2009 à 07:37 (modifier) 1001nuits (Discuter | Contributions) ← Différence précédente |
Version du 26 avril 2009 à 07:38 (modifier) (défaire) 1001nuits (Discuter | Contributions) Différence suivante → |
||
Ligne 63 : | Ligne 63 : | ||
- | [[Catégorie: | + | {{Article|1001nuits}}[[Catégorie:Psychologie]][[Catégorie:2004]] |
Version du 26 avril 2009 à 07:38
Sommaire |
Introduction
La société française, fortement teintée de christianisme puis de communisme, a développé une véritable méfiance par rapport à la psychologie, méfiance qui au fur et à mesure des années, s'est traduite par une disparition de la psychologie de la chose publique, excepté dans des formes télévisuelles caricaturales. Ceci est particulièrement vrai dans notre pays, où tout une gamme de penseurs assimilés philosophes ont travaillé depuis les années soixante au discrédit de la psychologie et de la psychanalyse[1], faisant entrer dans l'inconscient collectif des peurs et des tabous auxquels beaucoup d'êtres humains ne sont pas capables de faire face seuls.
L'héritage psychologique de la révolution de 1789
La société française semble avoir gardé de son histoire nationale, une fierté mêlée à un petit côté névrotique qu'on pourrait attribuer à Révolution Française. Comme tous les traumatismes socioculturels, comme toutes les guerres civiles, cet épisode du passé ne fut jamais complètement éclairci, jamais vraiment débattu. Il reste depuis lors en France, dans l'inconscient collectif, le sentiment que cette révolution ne fut qu'un bien pour la France et les français et qu'il est l'avènement de la liberté à la française.
Or, comme après tout traumatisme, il serait temps que la France entame sa psychanalyse nationale. Car, quels sont les comportements hérités de cette époque dans l'inconscient collectif français ? Une certitude que les problèmes ne peuvent se régler que dans le conflit, une propension à la revendication un peu excessive, un esprit gaulois caricatural à la Astérix, un réel goût pour le combat ouvert et le débat stérile, autant de manifestations qui si elles forment l'esprit d'un peuple - le français « chiant » mais au grand cœur - ne sont pas moins de blocages dans toute velléité de transformer la société autrement que par l'utopie d'{un nouveau 89}.
Cet entêtement français, cette préférence pour le combat, cette attirance pour le fait d'avoir raison à tous prix et pour le fait de ne pas considérer le compromis a mené un certain nombre de penseurs français du vingtième siècle à se positionner contre le passé : contre l'étiquette de philosophe, contre le système politique et étatique, contre la psychologie, contre les règles établies, contre la loi et l'ordre, etc.
Cette éducation des masses arrive désormais à un premier stade de maturation où ses effets sont visibles. J'évoquerai ci-après rapidement une sous-dimensions essentielles du problème : le manque d'empathie.
Le mépris de la psychologie et ses conséquences
En refusant la religion et la structure religieuse, le penseur français du vingtième siècle vise à s'affranchir des principes moraux que la structure religieuse impose et d'une certaine tradition du péché, pour ce qui est du christianisme. Cependant, cette réfutation en bloc a pour conséquence de nier la spiritualité humaine, de la rendre marginale et de ne pas creuser les principes qui sous-tendent une certaine moralité chrétienne, parmi laquelle l'amour du prochain.
La démarche de refuser la psychologie est très voisine de la réfutation de la religion. Se méfier de manière outrancière de la psychologie, la reléguer à des domaines où elle ne fait pas peur, où l'étiquette thérapeutique la relègue au rang de la psychiatrie à la symptomatique très précise, ou au contraire à la vulgaire farce télévisuelle, légitime un vrai manque de culture psychologique au sein de notre société. Ce manque se traduit au quotidien dans des problèmes graves de positionnement des enfants et des adultes de la société au sein de cette même société.
Ce mépris de la psychologie implique, de plus, la plus difficile accession à des moyens permettant la guérison, après un événement psychologique grave. Si l'intervention d'une tierce personne, neutre, comme le psychanalyste, est considérée socialement de manière négative, il est clair que la plupart des gens dans le besoin ne peuvent pas, surtout à un moment de détresse psychologique, faire le pas, au risque d'avoir à affronter l'inconscient collectif gravé en eux ainsi que le regard social sur leur acte.
La dimension de l'empathie
En outre, si la société est prompte à nous faire lire les comportements humains au regard des concepts de « différence », « respect de l'autre », « tolérance », ces mots ont du mal à cacher une incompréhension des grandes bases de la psyché humaine, psyché dont les traits communs vont bien au delà des simples différences visibles. Cet article propose d'oublier ces catégories sociales et ces représentations au profit d'une vision sur la dimension de l'empathie.
Nous regarderons ainsi les personnes suivant qu'elles éprouvent de l'empathie ou qu'elles n'en éprouvent pas. Il faut noter que cette façon de voir les choses est une façon dans laquelle nous considérons les individus et non la société. Ainsi, il n'est pas question de proposer des solutions sociales au manque d'empathie, mais de voir le monde durant quelques instants sous cet angle.
Empathie et culpabilité
Prenons une exemple concret et mettons en situation deux individus dont l'un éprouve de l'empathie et l'autre n'en éprouve pas. Si la seconde personne est une personne dont l'empathie est constante quelles que soient les situations, que ces dernières soient des situations de bien-être ou de mal-être, nous supposerons que le sentiment empathique de la seconde est diffus, inconstant, parfois perverti. Nous prendrons l'hypothèse d'un lien affectif entre les deux personnes dans le cadre de relations qui peuvent indifféremment être des relations de couple, de parent à enfant, etc.
Lorsque la personne anormale perd son empathie, elle développe un certain nombre de comportements désagréables, comme :
- l'égoïsme,
- la brutalité verbale ou physique,
- une hyper extraversion ou une hyper introversion,
- des raisonnements froids et calculateurs,
- une volonté d'attirer l'attention, de séduire, de devenir le centre du monde, etc.
D'une manière générale, ces manifestations font tout pour centrer l'attention des autres et d'elle-même sur elle-même. Le manque d'empathie gonfle l'ego.
Notons que la modification de comportement de la personne instable "empathiquement parlant" touche l'empathie de la personne normale, avec un effet démultiplié dû au lien affectif, effet qui très souvent prévient toute possibilité de prendre du recul sur les choses.
Or, et nous touchons là au cœur du problème, si la personne empathique considère la personne n'éprouvant pas d'empathie comme une personne qui lui ressemble c'est-à-dire comme une autre personne normale - ce qui est une des caractéristiques de l'empathie -, elle va chercher des raisons à ce changement de comportement, raisons qu'elle va rechercher d'abord chez elle-même, dans une démarche de culpabilité excessive et très souvent déplacée. Le fait de ne pas avoir pu voir en la personne anormale une personne anormale engendre un malaise profond et une logique de culpabilité. La tendance à projeter de la personne empathique se traduit par une souffrance mêlée d'incompréhension.
Force est de constater que l'inculture psychologique aggrave cette situation. Si tous, nous avions des notions correctes de ce que peut être l'empathie, nous pourrions être vigilant lorsque ce cas arrive que l'on soit la personne empathique ou que l'on s'incarne provisoirement dans la personne an-empathique. Il y a donc un véritable péril psychologique évident pour certaines personnes empathiques à côtoyer des personnes an-empathiques, au point de pouvoir sombrer dans la dépression. Ce cas est un cas très commun de ce qu'on pourrait appeler : malaise par contamination psychologique.
Empathie bien ordonnée...
Chose étonnante de l'empathie, il est toujours plus facile d'en avoir envers les autres qu'envers soi-même. Pourtant, l'empathie envers soi est la première condition qui fera en sorte qu'une personne pourra trouver la voie de la sortie. L'empathie envers soi est un anti-culpabilisant : c'est la faculté d'admettre que l'on ne peut plus gérer seul un problème psychologique. Le développement de cette empathie envers nous-même est quelque part antinomique avec les exigences que nous impose la société dans un monde où survivre est un combat. Encore une fois, nous sommes souvent faces à un défaut de culture psychologique. Il est donc nécessaire de développer cette empathie envers nous-mêmes avant de l'éprouver envers les autres, d'accepter que notre côté intellectuel soit beaucoup plus adaptable et rapide que notre côté affectif.
Ainsi, éprouver de l'empathie envers soi-même aide à accepter la sortie des zones de tourments culpabilisants au travers de l'intervention d'une tierce personne neutre. Bien entendu, l'intervention de toute personne actrice dans le problème ou liée par un sentiment d'affectation est très compliqué. Car souvent, en voulant faire le bien, c'est à un point de rupture que l'on arrive avec la personne normale psychologiquement en état de malaise psychologique[2].
Conclusion
Expliciter l'empathie pourrait être un acte salutaire pour protéger les personnes sensibles. Appliqué à soi, l'empathie est une discipline quotidienne qui permet de se positionner par rapport aux autres et envisager de juger de quel côté de la barrière on se situe. Ce moyen est aussi utile pour identifier ses propres malaises pouvant se traduire par une perte provisoire ou permanente de l'empathie envers les autres.
Le manque d'empathie est une des conséquences du tabou résultant de la non-classification des personnes sur la dimension psychologique. Ainsi, les personnes enfermées dans les méandres de l'inconscient collectif deviennent-elles souvent des personnes névrosées, ne voyant comment à la fois affronter une remise en question d'eux-mêmes, une acceptation empathique du fait d'être parfois mal et de ne pas pouvoir s'en tirer seules, et une barrière sociale relative à l'image négative de l'aide psychologique.
Notes
- ↑ Ils ont aussi beaucoup contribué à la critique de la partie exotérique du Catholicisme.
- ↑ Cf. Introduction à la psychanalyse de Freud.
Catégories: Article | 1001nuits | Psychologie | 2004