Rubayat, par Omar Khayyâm, quatrains CLI à CLX
Un article de Caverne des 1001 nuits.
CLI
J'ai eu des maîtres éminents.
Je me suis réjoui de mes progrès, de mes triomphes.
Quand j'évoque le savant que j'étais,
Je le compare à l'eau qui prend la forme du vase et à la fumée que le vent dissipe.
CLII
Pour le sage, la tristesse et la joie se ressemblent, le bien et le mal aussi.
Pour le sage, tout ce qui a commencé doit finir.
Alors, demande-toi si tu as raison de te réjouir de ce bonheur qui t'arrive,
Ou de te désoler de ce malheur que tu n'attendais pas.
CLIII
Puisque notre sort, ici-bas, est de souffrir puis de mourir,
Ne devons-nous pas souhaiter de rendre le plus tôt possible à la terre notre corps misérable ?
Et notre âme, qu'Allah attend pour la juger selon ses mérites, dites-vous ?
Je vous répondrai là-dessus, quand j'aurai été renseigné par quelqu'un revenant de chez les morts.
CLIV
Derviche, dépouille-toi de cette robe peinte dont tu es si fier et que tu n'avais pas à ta naissance !
Endosse le manteau de la Pauvreté.
Les passants ne te salueront pas,
Mais tu entendras chanter dans ton coeur tous les séraphins du ciel.
CLV
Ivre ou altéré, je ne cherche qu'à dormir.
J'ai renonce à savoir ce qui est bien, ce qui est mal.
Pour moi, le bonheur et la douleur se ressemblent.
Quand un bonheur m'arrive, je ne lui accorde qu'une petite place, car je sais qu'une douleur le suit.
CLVI
On ne peut incendier la mer,
Ni convaincre l'homme que le bonheur est dangereux.
Il sait, pourtant, que le moindre choc est fatal
A l'urne pleine et laisse intacte l'urne.
CLVII
Regarde autour de toi. Tu ne verras qu'afflictions, angoisses et désespoirs.
Tes meilleurs amis sont morts. La tristesse est ta seule compagne.
Mais, relève la tête ! Ouvre tes mains ! Saisis ce que tu désires et ce que tu peux atteindre.
Le passé est un cadavre que tu dois enterrer.
CLVIII
Je regarde ce cavalier qui s'éloigne dans la brume du soir.
Traversera-t-il des forêts ou des plaines incultes ? Où va-t-il ? Je ne sais.
Demain, serai-je étendu sur la terre ou sous la terre ?
Je ne sais.
CLIX
"Allah est grand!"
Ce cri du moueddin ressemble à une immense plainte.
Cinq fois par jour,
Est-ce la Terre qui gémit vers son créateur indifférent?
CLX
Le Ramazan' est fini. Corps épuisés, âmes fanées, la joie revient !
Les conteurs savent des histoires nouvelles.
Les porteurs de vin, les marchands de rêves lancent leurs appels.
Mais je n'entends pas celui qui me rendra la vie, celui de ma bien-aimée.
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