Le derviche à longue barbe, par Attar

Un article de Caverne des 1001 nuits.

Il y avait du temps de Moïse un derviche qui était en adoration jour et nuit. Il n'éprouvait cependant ni goût ni attraction (pour les choses spirituelles) ; il ne recevait pas de chaleur du soleil de sa poitrine. Or, il avait une belle barbe sur laquelle il passait souvent le peigne. Un jour, il vit Moïse de loin, il alla auprès de lui et lui dit : « O général du mont Sinaï ! demande à Dieu, je t'en prie, de me faire savoir pourquoi je n'éprouve si satisfaction spirituelle ni extase. »

Lorsque Moïse fut sur le mont Sinaï, il exposa le désir du soufi ; mais Dieu lui dit d'un ton de déplaisir : « Quoique ce derviche ait recherché avec amour mon union, toutefois il est constamment occupé de sa barbe. » Moïse alla rapporter au soufi ce qu'il venait d'entendre, et ce dernier arracha aussitôt sa barbe, mais en pleurant. Gabriel accourut alors auprès de Moïse et lui dit : « Encore en ce moment ton soufi est préoccupé de sa barbe : il l'était lorsqu'il la peignait et il l'est encore en l'arrachant actuellement. »

C'est un mal que de rester un instant sans s'occuper de Dieu, dans quelque position que l'on soit.

O toi qui crois avoir cessé de t'occuper de ta barbe ! tu es noyé dans cet océan de sang. Lorsque tu en auras tout à fait fini avec ta barbe, alors tu pourras avec raison voguer sur cet océan. Mais si tu veux t'y plonger avec cette barbe, elle te gênera pour le traverser.

[modifier] Références

  • Le langage des oiseaux, Farîd-ud-dîn 'Attar, traduit du persan par Garcin de Tarcy, éditions Albin Michel.


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