Rubayat, par Omar Khayyâm, quatrains CI à CX
Un article de Caverne des 1001 nuits.
CI
Que sont devenus tous nos amis ?
La Mort les a-t-elle renversés et piétinés ?
Que sont devenus tous nos amis ? J'entends encore leurs chansons dans la taverne...
Sont-ils morts, ou sont-ils ivres d'avoir vécu?
CII
Quand je ne serai plus,
Il n'y aura plus de roses, de cyprès, de lèvres rouges et de vin parfumé.
Il n'y aura plus d'aubes et de crépuscules, de joies et de peines.
L'univers n'existera plus, puisque sa réalité dépend de notre pensée.
CIII
Voici la seule vérité.
Nous sommes les pions de la mystérieuse partie d'échecs jouée par Allah.
Il nous déplace, nous arrête, nous pousse encore,
Puis nous lance, un à un, dans la boîte du néant.
CIV
La voûte du ciel ressemble à une tasse renversée
Sous laquelle errent en vain les sages.
Que ton amour pour ta bien-aimée soit pareil à celui de l'urne pour la coupe.
Vois... Lèvre à lèvre, elles se donnent leur sang.
CV
Les savants ne t'apprendront rien,
Mais la caresse des longs cils d'une femme te révélera le bonheur.
N'oublie pas que tes jours sont comptés et que tu seras bientôt la proie de la terre.
Achète du vin, emporte-le à l'écart, puis laisse-le te consoler.
CVI
Il te versera sa chaleur.
Il te délivrera des neiges du passé et des brumes de l'avenir.
Il t'inondera de lumière.
Il brisera tes chaînes de prisonnier.
CVII
Autrefois, quand je fréquentais les mosquées,
Je n'y prononçais aucune prière, mais j'en revenais riche d'espoir.
Je vais toujours m'asseoir dans les mosquées,
Où l'ombre est propice au sommeil.
CVIII
Sur la Terre, bariolée, chemine quelqu'un qui n'est ni musulman, ni infidèle, ni riche, ni pauvre.
Il ne révère ni Allah, ni les lois. Il ne croit pas à la vérité.
Il n'affirme jamais rien.
Sur la Terre bariolée, quel est cet homme brave et triste?
CIX
Avant de pouvoir caresser un visage pareil à une rose,
Que d'épines tu as à retirer de ta chair! Vois ce peigne.
C'était un morceau de bois. Quand on l'a découpé, quel supplice il a subi !
Mais, il a plongé dans la chevelure parfumée d'un adolescent.
CX
Quand la brise du matin entr'ouvre les roses
Et leur chuchote que les violettes ont déjà déplié leurs robes,
Seul est digne de vivre celui qui regarde dormir une souple jeune,
Elle saisit sa coupe, la vide, puis la jette.
Navigation Précedent - Suivant |