Rubayat, par Omar Khayyâm, quatrains LXXXI à XC

Un article de Caverne des 1001 nuits.

LXXXI
Dans le tourbillon de la vie, seuls sont heureux les hommes qui se croient savants
Et ceux qui ne cherchent pas à s'instruire.
Je suis allé me pencher sur tous les secrets de l'univers,
Et j'ai regagné ma solitude en enviant les aveugles que je rencontrais.


LXXXII
On me dit: "Ne bois plus, Khayyâm !"
Je réponds: "Quand j'ai bu, j'entends ce que disent les roses,
Les tulipes et les jasmins.
J'entends, même, ce que ne peut me dire ma bien-aimée."


LXXXIII
À quoi réfléchis-tu, mon ami ? Tu penses à tes ancêtres ?
Ils sont poussière dans la poussière.
Tu penses à leurs mérites ? Regarde-moi sourire.
Prends cette urne et buvons en écoutant sans inquiétude le grand silence de l'univers.


LXXXIV
L'aurore a comblé de roses la coupe du ciel.
Dans l'air de cristal s'égoutte le chant du dernier rossignol.
L'odeur du vin est plus légère. Dire qu'en ce moment des insensés rêvent de gloire, d'honneurs !
Que ta chevelure est soyeuse, ma bien-aimée!


LXXXV
Ami, ne fais aucun projet pour demain.
Sais-tu, seulement, si tu pourras achever la phrase que tu vas commencer ?
Demain, nous serons peut-être loin de ce caravansérail,
Et déjà pareils à ceux qui ont disparu, il y a sept mille ans.


LXXXVI
Ô rétiaire des cœurs, prends une urne et une coupe !
Allons nous asseoir au bord du ruisseau.
Svelte adolescent au clair visage,
Je te contemple et je songe à l'urne et à la coupe que tu seras, un jour.


LXXXVII
Il y a longtemps que ma jeunesse est allée rejoindre tout ce qui est mort.
Printemps de ma vie, tu es maintenant où sont les printemps passés.
Ô ma jeunesse, tu es partie sans que je m'en aperçoive !
Tu es partie comme s'abolit, chaque jour, la douceur du printemps.


LXXXVIII
Ouvre-toi, mon frère, à tous les parfums, à toutes les couleurs, à toutes les musiques.
Caresse toutes les femmes.
Redis-toi que la vie est brève et que tu reviendras bientôt à la terre,
Serais-tu l'eau de Zemzem ou de Selsebil.


LXXXIX
Aspirer ici-bas à la paix : folie.
Croire au repos éternel : folie.
Après ta mort, ton sommeil sera bref, et tu renaîtras, dans une touffe d'herbe
Qui sera piétinée ou dans une fleur que le soleil flétrira.


XC
Je me demande ce que je possède vraiment.
Je me demande ce qui subsistera de moi après ma mort.
Notre vie est brève comme un incendie.
Flammes que le passant oublie, cendres que le vent disperse : un homme a vécu.


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